Une histoire humaine. Une histoire d’ombres et de lumières qui prend corps au sein d’un territoire où tout s’entremêle dans l’âpreté et la communion des âmes et des corps transfigurés. Ce territoire, c’est le quartier Saint-François, une île dans la cité du Havre.
À l'origine de la ville avec le quartier Notre-Dame, il fut fondé en 1541 par François 1er. En partie détruit pendant la Seconde Guerre mondiale, il a résisté au remaniement architectural opéré par Auguste Perret après-guerre. Face à l'architecture de béton de ce dernier, il se déploie entouré par trois bassins, entre le centre reconstruit et le port, et n’est accessible que par les ponts qui le relient aux autres quartiers, lui confèrant une apparence insulaire.
Comment raconter la fierté d’appartenance, l’attachement à un territoire, la résistance, la singularité des êtres qui l’habitent et le défendent ? Comment donner à voir la puissance d’un univers presque insulaire, sa dramaturgie, en même temps que sa continuité historique ?
Pendant trois ans, de 2020 à 2023, le photographe Jérémy Charbaut s’est installé « Chez Lili », derrière le bar. Ce lieu fédérateur, anciennement appelé « Le bon coin » est
un symbole du quartier Saint-François. « Un lieu n’est réellement connu que quand on y a planté un rêve », nous dit Édouard Glissant.
Entre la Maison de l’Armateur, le port de pêche, le marché aux poissons, le bassin du Roy et la Halle aux Poissons, « Chez Lili » déborde sur une grande terrasse au milieu d’un paysage maritime et portuaire. Refuge pour travailleurs de la mer et gens de quartier, le bistrot permet au photographe de nouer des liens humains forts et de s’immiscer au cœur de l’îlot.
Jérémy Charbaut explore, tente de lire les Hommes, les pratiques propres à ce territoire. Il écoute les récits avec leurs joies et leurs peines. Des amitiés naissent.
Il découvre des mythes et des légendes, des croyances, des histoires de communion et de confrontation, d'indépendance. Point de pittoresque mais une vision brute et vivante d’un quartier qui ne cesse de renaître et qui a su conserver son indépendance au fil des siècles. L'activité de la pêche en est le symbole.
Pêcheurs, armateurs ou éplucheurs, la liberté reste leur maître-mot. Leurs combats quotidiens nécessitent une foi, une résilience, une indépendance. Cette furie et cette foi symbolisent le quartier Saint-François.