Pendant que certains photographes utilisent l’IA pour imaginer un Paris dystopique en ruine (voir le travail d’Yves Marchand et de Romain Meffre), d’autres, depuis plusieurs années, fixent sur la pellicule la réalité du passage du temps en s’intéressant aux architectures laissées à l’abandon. C’est le cas de Thomas Jorion. Au micro de Yannick Le Guillanton, celui-ci raconte notamment son épopée dans les vestiges du patrimone colonial français. À la Nouvelle-Orléans, à Alger ou à Saigon, il convoque notre passé à l’aune des traces laissées par ces infrastructures, témoins de notre histoire contemporaine dont l’image reste très présente dans notre imaginaire collectif.
Que nous disent ces photographies de bâtiments ou de décors intérieurs désertés de leurs habitants ? Comment appréhender ces trésors figés dans le temps et dont la lente décrépitude est saisie là, dans toute la tristesse d’un délabrement que l’on pourrait facilement associer au déclin de la France, si souvent commenté aujourd’hui ?
Quant aux palais italiens qu’il a retrouvés, ces ruines immaculées dignes des plus belles scènes du Guépard, lointains souvenirs d’une époque synonyme de fastes et de fêtes somptueuses, sont-elles la métaphore dramatique de la mort de toute chose, loi inéluctable et universelle ?
Confronté à la beauté tragique et aux silences intemporels de ces ruines, est-il possible que Thomas Jorion reprenne à son compte ces mots de Diderot : « Dans cet asile désert, solitaire et vaste, je n’entends rien, j’ai rompu avec tous les embarras de la vie. Personne ne me presse et ne m’écoute. Je puis parler tout haut, m’affliger, verser des larmes sans contrainte » ?
Maisons, palais, théâtres, cinémas, les lieux nous survivent, nos âmes continuent de les habiter, et des photographes de les apprivoiser, de les immortaliser…
Bonne écoute !
Visuel de couverture : La Havane, Cuba, 2024 © Thomas Jorion