Inside Views a d’abord été publié aux Etats-Unis en 2008 par les éditions Nazraeli Press (livre épuisé). Floriane de Lassée est alors étudiante au sein de l’International Center of Photography, à New York. Elle a vingt-cinq ans et découvre les formes d’une ville à la verticale, qui ne dort jamais, aux prises avec les lumières de l’hyper-consommation qui décorent à l’infini les façades des immeubles et des gratte-ciels. La nuit, ces façades deviennent des miroirs où des feux incandescents se reflètent tandis que, par endroits, d’un étage à l’autre, des fenêtres s’ouvrent sur l’intimité d’intérieurs alors dévoilés.
Inside Views est donc la rétrospective très attendue de ce travail mené de 2004 à 2014, et qui reste d’une cruelle actualité alors que la pandémie a jeté son ombre dramatique sur la marche du monde et sur nos existences.
Partout la ville étend son territoire, grignotant peu à peu l’espace. Partout les lignes s’étirent de plus en plus vers le ciel, comme cette tour de plus de 1000 mètres en cours de construction à Jeddah. Toujours l’audace des architectes a fait écho à l’imagination utopiste des bâtisseurs.
Toujours, la ville a représenté la quintessence de la vie moderne. Partout, l’uniformisation fait son chemin, en écho à cette urbanisation galopante, nous faisant perdre nos repères.
Aujourd’hui, plus d’un habitant de la planète sur deux est un citadin et environ 2,5 milliards de personnes pourraient être ajoutées aux zones urbaines d’ici le milieu du siècle, en raison des changements climatiques et de la croissance démographique globale.
Pourtant, jamais nous nous sommes autant questionnés sur le sens de nos vies en ville. Chacun s’interroge sur le bien-fondé de vivre loin de la Nature, et revendique a contrario son envie de vivre loin du bruit et de la fureur, pour mieux écouter le silence intérieur.
Floriane de Lassée raconte ces destins isolés qu’elle seule a su percevoir derrière le secret des fenêtres où ils semblent s’être enveloppés d’un halo de mystère. Personnages de fiction ou êtres tangibles extraits momentanément de leur réalité, ces silhouettes, souvent féminines, sont comme des présences-absences prêtes à disparaître si le regard se pose sur elles. Sommes-nous alors des voyeurs ? De simples témoins ? Non, rien de tout cela…
Confinés dans nos espaces intérieurs, contraints à l’immobilisme, nous sommes entraînés avec Inside Views à une mise en abîme de nos propres inquiétudes, le regard tourné vers l’extérieur, en quête du dehors où tout est possible, mais protégés dans le cocon de nos appartements, en hauteur, muets, loin du chaos.
Ainsi, chaque « vue » est une histoire en soi où l’on peut se projeter le temps que la nuit s’estompe et vienne faire disparaître ses lumières. « La nuit je mens », chantait Alain Bashung…
Beautiful book, stunning photos, lovely commentary.