La réitération d’images en noir et blanc souligne la fascination qu’exercent sur le photographe le vertige d’un sommet, la ligne pure d’une crête, la lumière blanche d’un glacier suspendu, l’harmonie d’un pic, la pente d’un précipice, la verticalité d’une paroi. Au fi l des chapitres, le photographe se fait le messager d’une contemplation où l’esthétique se conjugue si ce n’est au mystique, du moins à sa quête. Dans un lent processus d’idéalisation, la montagne se pare de tous les atours d’un véritable personnage sacré, apparaissant puis disparaissant.

Thomas Crauwels est en cela un digne héritier des écrivains romantiques qui ont découvert le paysage de montagne vers la fin du 18 e siècle en même temps qu’Horace-Benedict de Saussure inaugurait, dès 1787, la conquête des sommets des Alpes pour des motifs scientifiques. Le photographe a mis ses pas dans ceux de Rousseau et la montagne a agi sur lui comme le moteur de son imagination poétique. Par sa pratique, il exprime le lien inaltérable entre une nature sauvage, inaccessible, et la force des sentiments et des émotions
que l’être humain est capable d’éprouver et d’exprimer. La montagne a ceci de particulier qu’elle procure l’exaltation des uns et des autres.
Du sublime au mysticisme, la montagne est autant une aventure esthétique qu’une expérience physique. La photographie, comme l’alpinisme, est d’abord un corps en mouvement, un corps en action.
Terre inaccessible, ultime territoire de liberté ? Terre inhumaine ? ABOVE prouve à quel point la géographie et la photographie sont étroitement mêlées dès lors que la montagne devient le théâtre de leur union sacrée, territoire du beau et d’un chaos à dépasser.

Que la montagne soit le lieu privilégié d’une expérience du sublime n’est qu’un retour à l’étymologie : est sublime ce qui s’élève au-dessus de nous.
Au « contact des extrêmes », Thomas Crauwels sait qu’il se confronte à une quête de l’impossible et de l’idéal.