En ce 15 octobre gris, à Cergy-Pontoise, au sein des locaux de La Poste qui accueillent la 5e édition du festival du Regard, dont l’exposition de quelques clichés de son Voyage mexicain (1965-1966), le froid de la pièce où Bernard Plossu répond aux questions de Yannick Le Guillanton n’a d’égal que la chaleur de son regard et l’intensité de sa flamme pour la littérature, la peinture et la photographie.
S’il parle vite, c’est parce qu’il a beaucoup à dire. S’il parle vrai, c’est parce qu’il ne s’encombre ni de faux-semblants ni de leçons de morale à donner. La clarté de sa pensée fait écho à la sensibilité qui, partout dans ses images, affleure et touche au cœur. Feu follet avide et curieux de tout, il éblouit par sa clairvoyance et son amour du simple, du poétique, du beau. Amoureux des livres et des écrivains, amoureux de l’image, en habitué de la Cinémathèque qu’il fut dès sa jeunesse, amoureux de l’écriture, amoureux de la vie, amoureux tout court, il raconte avec passion et sincérité toute une vie consacrée à faire des images fixes, qu’il se plaît à qualifier «d’images qui bougent», lui qui aurait pu s’imaginer cameraman pour le cinéma. Ce Grenoblois d’origine, qui s’est toujours aventuré dans les grands espaces, n’a pas son pareil pour s’amuser à proposer des tirages en petits formats, nous obligeant à entrer dans la magie de la miniature. Pour lui, «la photographie, c’est quelque chose qui permet de vivre intelligemment, d’être conscient de tout».
Photographe infatigable, il a trouvé à travers ce médium un langage de liberté et un outil pour aller à la rencontre de l’autre, sans cesse à l’écoute. Homme généreux, il part souvent randonner en montagne, coupé du monde, avec les stagiaires qu’il accompagne. Quand la nuit tombe sur les cimes, la photographie peut surgir, forte des images accumulées pendant la marche. C’est peu dire que cet éternel jeune homme à l’appétit toujours intact de nouvelles images qu’il voit d’abord en noir et blanc, mérite sa place parmi les photographes les plus talentueux et respectés de sa génération, dans la foulée des Édouard Boubat ou Robert Franck qu’il admire tant.